Thursday 5 June 2014

Journal d'une operation.

Jour de l'opération - moins quelques mois

Depuis la mi-février, je sentais une douleur à l'intérieur du genoux gauche. Plus ou moins latente en marchant normalement, un peu plus forte en montant, presque insupportable en descendant, surtout des marches. Après avoir été assis un moment, en reprenant la marche elle était assez forte et diminuait un peu à la suite de l'échauffement du muscle.

Ne me souvenant pas d'être tombé, je me suis dit que j'avais du faire un faux mouvement et que c'était une sorte de tendinite ou problème musculaire temporaire.
J'ai attendu comme cela à peu près un mois et demi. Ce n'était pas normal. J'ai décidé donc d'aller voir un spécialiste : un orthopédiste.

Rendez-vous pris, lors de l'examen il m'indique que selon les symptômes cela avait tout l'air d'un déchirement du ménisque intérieur. Il m'envoie faire un(e) IRM du genoux. Le résultat de l'examen confirme son analyse. Une opération est donc planifiée pour le 4 juin.
Il m'aurait opéré plus tôt, mais j'avais des engagements m'empêchant une telle incapacité.

Les jours approchent. Je ne suis pas inquiet. Je me dis seulement que j'espère, une fois les séquelles de l'opération passées, pouvoir remarcher à nouveau comme d'habitude et pouvoir reprendre la randonnée qui m'est si chère, tant au plaisir de la nature qu'au maintien de la forme physique.


Jour de l'opération - moins quelques jours

Les documents nécessaires à l'opération ont été remplis, les entretiens préliminaires faits. tout semble être, en tout cas du point de vue administratif en ordre. Malgré que je n'ai pas reçu le devis demandé, le régime commun d'assurance maladie qui me couvre à bien établi ma prise en charge pour l'hôpital.


Jour de l'opération - moins un jour
Que prendre pour l'hôpital ?

Comme toute situation ou action qui se présente, mieux vaut un moment de réflexion que de se lancer dans la mêlée tête baissée, pour réaliser plus tard qu'on a oublié ceci ou cela. Certes on peut toujours oublier un détail, par distraction, par méconnaissance, … mais au moins si on y a réfléchi on se sent; je me sens moins responsable du contretemps.
Donc, quoi prendre avec ? S'agissant d'un "one Day clinic" je ne dois me concentrer que sur quoi prendre surtout pour me distraire pendant que je serai dans la chambre.

N'étant pas habitué aux cliniques, en tant que patient, je ne suis pas du tout au courant de comment cela fonctionne. Côté sécurité, va et vient dans les chambres, etc. J'aborde donc la situation d'un point de vie tout à fait néophyte.

Je n'ose pas prendre mon iPhone ou autre appareil du genre, de peur qu'ils s'égarent. J'ai donc récupéré un vieux Nokia et acheté une nouvelle carte "Pay&Go", pour la communication cela fera l'affaire.
Je prendrai donc un roman, le Nokia et un pyjama. Le tout dans un petit sac à dos. Pas besoin de pantoufles pour quelques heures.
Comme il me faudra prendre aussi ma carte d'identité, je me décide à prendre un vieux iPod et des écouteurs pour avoir au moins de la musique en cas de besoin.

Qui dit appareil électrique dit chargeur, j'ai donc pris le plus petit chargeur et câbles de synchronisation. La carte d'identité devant être transportée avec une certaine sécurité; dans une sorte de porte-cartes avec clip, j'ajoute une carte de crédit et deux billets de 20€. Je n'en aurai probablement pas besoin, mais sait-on jamais. J'ai presque failli oublier ma carte Mobib pour le métro.

Pour abriter ma KeyCard pour le train, j'ai ajouté un cahier aussi avec un clip. Qui dit cahier, dit crayon et/ou stylo à bille pour y écrire.

Evelyne voulait m'y conduire mais je l'ai convaincue de la perte de temps que cela représenterait pour elle, alors qu'en réalité elle ne sera indispensable que pour le retour. Elle me conduira donc à la gare de Tubize pour cinq heures quarante car je prendrai le train de six heures moins dix.

Jour de l'opération

Je dois être à l'hôpital a jeun pour 6h40.

Evelyne m'a descendu à la gare et le train de 5h50 arrive. Il est moins rempli que celui que je prends habituellement à 6h04. C'est un lent qui s'arrête partout. Derrière moi il y a les classiques dames qui doivent papoter de tout  et de rien intéressant et par-dessus le marché avec une voix portante. J'applique mon réflexe habituel : écouteur dans les oreilles et musique de sorte à couvrir leurs conversations.

Je descends à la centrale. Le prochain métro n'arrive que dans cinq minutes ce qui réduit la marge dans mon timing. Je prends le métro jusqu'à Schuman. J'hésite un moment à descendre à Maelbeek, un arrêt avant car sachant que le quartier est bouclé pour le G7 je devrais passer par la sortie Etterbeek au lieu de sortir par Schuman/Froissart.
Je sors et me dirige vers la sortie menant vers le Résidence Palace qui par les escaliers à côté du bâtiment Lex me conduiront directement sur la chaussée d'Etterbeek.

Il pleuvine. En descendant les marches du Lex, je me dis que j'aurais mieux fait de descendre à Maelbeek car je vais arriver presque au même endroit. La distance jusqu'à l'hôpital est à peu près la même. Il est 6h37. Je n'arriverai jamais pour 6h40. J'imagine que ce n'est pas un drame.

6h44 j'arrive à la réception. On m'indique où aller faire l'admission. Il y a déjà foule. Je prends un numéro, qui s'avère ne servir à rien, puisque une dame est venue et cité quelques noms dont le mien, en nous indiquant les guiches où aller.

Rebelote administrative; s'ils ont déjà toutes mes coordonnées ainsi que les formulaires dûment remplis et remis en temps et heure demandées, pourquoi dois je répondre encore à tout un tas de questions dont ils ont déjà les réponses ? Qu'on vérifie mon identité je comprends mais le reste, c'est, à mon avis, superflu.

On me donne le dossier à remettre aux infirmières de l'étage et on m'indique que ma chambre est la 615.

L'infirmière à l'étage m'explique le déroulement des actions en insistant sur le coffre fort pour les affaires de valeur et me laisse pour que je puisse me changer et ranger mes affaires. N'ayant pas mon téléphone habituel je me rends compte que je ne peux pas envoyer des messages à Evelyne car je n'ai jamais essayé de retenir ces numéros, les ayant toujours sur mon appareil ou l'un ou l'autre ordinateur. Comme le téléphone que j'ai c'est l'ancien d'Evelyne, j'imagine qu'elle n'a pas son propre numéro enregistré, et encore j'ai eu de la chance qu'elle avait enregistré ses contacts dans le téléphone et pas dans sa carte sim car celle que j'ai maintenant est vierge.

J'ai trouvé le téléphone de Rodrigo, il doit être dans le bus pour l'école, et lui ai demandé de me faire suivre le téléphone de maman.

Au retour de l’infirmière, elle me demande si j'ai les résultats de l'analyse de sang à ce que je réponds que non, que s'il m'a été demandé de venir à jeun que j'imaginais que c'était pour cela. Elle a l'air de ne pas trop y croire et me demande si je ne les ai pas fait lors de l'entretien avec l'anesthésiste. Je lui dis que non que de plus c'était le soir et je n'étais pas à jeun.
Puis elle me demande si on m'a déjà rasé le genoux. Je lui dis que non, que je venais juste de l'admission.
Tout se met en route. Quelques minutes plus tard deux infirmières s'amènent pour la prise de sang, le rasage et tout ce qu'il fallait. A nouveau une petite séance de questions réponses qui ont déjà été données et qui doivent se trouver dans mon dossier : quels médicaments je prends, si je fume, si je bois, combien, si je suis allergique, etc … d'un côté c'est agaçant, de l'autre je me dis qu'ainsi les données sont toutes fraîches et pas de risque de confusion, c'est peut-être pour cela …

Lorsqu'elle me demande le téléphone d'une personne à qui appeler en cas de besoin, je me dis, heureusement que j'ai demandé à Rodrigo …

Il m'est demandé de me mettre au lit et qu'on viendra me chercher sous peu. J'ai donc mis toutes mes affaires délicates dans le coffre et le reste dans l'armoire à l'exception du roman, une revue, un cahier et de quoi écrire, que j'ai laissé sur la table de nuit en pensant au retour.

Un jeune, je ne sais pas comment les appelle-t-on, est venu me chercher. Pendant le trajet vers la salle d'opérations je n'ai pas pu m'empêcher de penser à tous ces films où l'on voit le malade se faire transporter et les lumières du plafond qui défilent. En réalité c'est la première fois que je me trouve dans cette situation et que je vois les choses sous cet angle.
En sortant de l'ascenseur il me demande si le suis stressé à ce que je lui réponds que non, que puisqu'il s'agissait d'une opération au genoux et pas au cœur je n'avais pas une appréhension quelconque.

On a longé quelques couloirs et salles de travail où il y avait plein de matériel. Finalement j'ai été parqué devant la salle d'opérations.

Une infirmière blouse bleu, en haut c'était bouse blanche, est venue m'expliquer un peu ce qu'il allait être fait. Je ne vais pas être endormi, mais on m'a mis quand-même un Baxter et trois points pour suivre mon cœur pendant l'opération.

Quelques minutes plus tard on m'invite à sortir du lit et monter sur la table d'opérations, pour ce faire il a fallut un petit escabot tellement elle était haute. L'anesthésiste et ses assistants m'indiquent comment me placer. Un des assistants me demande de confirmer que c'est bien le genoux gauche. Je lui dis que j'avais pensé à un moment à faire une flèche sur le gauche et une croix sur le droit. J'imagine que cela doit être une classique.

On me demande de m’asseoir pour la péridurale. Pendant qu'on la met, on m'explique quelles vont être les sensations : cela va chauffer dans le fesses et les jambes jusqu'à plus rien sentir. En effet c'est tout à fait cela. Je suis réveillé, mais je me sens tout de même un peu ensommeillé. J'imagine qu'il s'agit de la pilule qu'on m'a fait prendre dans la chambre avant de descendre; probablement une sorte valium, xanax ou antidépresseur.

Il m'est demandé si je veux regarder l'opération, ce que j'accepte. Me voilà en train de regarder le voyage au centre de mon genoux. On dirait une sorte de camera aquatique en train de filmer au fond d'un ruisseau, je vois quelque chose de blanc qui ondule au gré du courant et une espèce de scie minuscule qui de temps en temps s'approche et le déchiquette.

A un moment on me dit que c'est terminé.
Je participe au passage de la table d'opérations à mon lit qu'on a garé en parallèle et me voilà en route vers la salle de réveil.

Je suis pris en charge par d'autres infirmières. Le Baxter est toujours mis, on me rebranche les électrodes pour le cœur et on me met un tube transparent dans mon nez (j'apprendrai plus tard qu'il s'agissait de l’oxygène), il m'est demandé de respirer de manière profonde.

Je suis le premier arrivé, mais peu à peu d'autres lits avec d'autres malades arrivent, les uns plus endormis que les autres.

Paradoxalement je ne dois pas me réveiller puisque je suis pas endormi, mais je dois lutter pour pas m'endormir. D'ailleurs chaque fois que je sommeille un peu je me mets à respirer de manière moins profonde et une petite alarme sonne pour m'indiquer que je ne respire pas assez profondément.

De temps en temps l'infirmière vient vérifier que tout est en ordre et me demande si je sens mes jambes. A vrai dire, non, je commande mentalement le mouvement de l'orteil de ma jambe droite mais rien ne se passe. Non, pas encore. J'essaie quelques contractions du genoux droit, non plus; quoique un mouvement infinitésimal est perceptible.

A un moment on décide que c'est bon pour moi, que je peux remonter dans la chambre.
Me voilà à nouveau dans la chambre, cloué au lit, sans autre chose à faire qu'attendre que le bas de mon corps se réveille. J'ai mon livre à lire, une revue et mon cahier où je commence à faire une carte heuristique (mindmap) des mots clés qui m'aideront à la rédaction de ce texte.

J'ignore quelle heure est-il car tous mes affaires du genre sont dans le coffre et je n'ai pas accès. Ce n'est pas important. J'avais déjà communiqué ce matin le numéro de chambre à Evelyne. Pour le reste je n'ai qu'attendre que tout se déroule comme prévu. Autant profiter 
du calme, lire et somnoler.

De temps en temps une infirmière passe et me demande si j'ai uriné. Apparemment c'est important, car on m'en a parlé du fait qu'en cas d'impossibilité ils mettent une sonde pour forcer le vidange de la vessie.
Honnêtement je n'ai pas envie, d'autre part tout étant endormi je ne sais pas comment je ferais. Dès lors je décide de ne pas trop boire pour ne pas avoir le besoin et me trouver avec une sonde en prime. Je boirai plus quand mon corps commencera à se réveiller perceptiblement.

A un moment donné une infirmière, en fait il y en a plusieurs qui passent, titulaires et stagiaires, s'étonne que je ne regarde pas la télévision et me dit que je peux, que c'est compris dans la chambre. Elle l'allume et me passe la commande. Je la remercie. Personnellement la télévision ce n'est pas mon truc, en outre sans me lunettes … Je l'éteins un peu plus tard qu'elle soit partie. Je préfère le silence et lire mon livre.

Tout d'un coup, une infirmière s'amène avec un plateau de nourriture. Je n'ai pas faim, mais apparemment c'était faux car je suis encore à jeun et rien que l'odeur, j'ai commencé à saliver. Un brochette de poulet (au curry ?) avec du riz et des légumes et deux prunes. Délicieux ! je n'ai pas laissé un seul grain de riz, ni d'ailleurs rien d'autre que les noyaux des prunes.

La stagiaire me questionne à nouveau si j'ai uriné. Je lui réponds que ça viendra.
Petit à petit je sens le réveil des muscles revenir. Dès lors je commence à boire un peu plus pour forcer l'envie. Un peu plus tard je suis soulagé, pas de sonde pour cette fois -ci.
Je ne sais toujours pas quelle heure est-il mais par la luminosité du jour j'imagine que cela doit être vers 15h.

Le docteur est passé, pour me dire que je pourrai partir dans une demi heure. Il m'explique qu'on va m'amener deux béquilles et mime comment je dois les utiliser. Surtout pas sauter sur le bon pied mais essayer de marcher avec le mauvais, comme d'habitude, mais qu'au moment ou je devrais m'appuyer sur lui, le faire sur les béquilles. Pour les documents il m'a dit qu'on fera le tout vendredi lorsque j'irai le voir à son cabinet.

Evelyne vient d'arriver. Elle est peinée de me voir si vulnérable, moi qui généralement suis le pilier de l'édifice. Je luis dis que le docteur est passé et que je pourrai partir très vite.

Une infirmière s'amène avec un plateau et je lui dis, mais j'ai déjà mangé ! Elle me regarde étonnée et me dit qu'il s'agit du souper. Bon, pourquoi pas ? il est cinq heures et demie.

L'infirmière qui venait avec les béquilles pour que je parte en me voyant attalité[1], me dit de terminer de souper à mon aise qu'elle viendra un peu plus tard.
Le souper, de la charcuterie avec du pain, du café et un yogourt.

Des trois tartines j'en ai laissé deux, le beurre, la mayonnaise et le sucre. Le reste, j'ai tout mangé.

L'infirmière qui m'amène les béquilles me demande si c'est la première fois que je me lève aujourd'hui. Je n'ai pas pu résister, le "aujourd'hui" c'était la perche.  Je lui réponds que ce sera la deuxième. Elle me regarde interloquée comme si quelque chose était échappé à son contrôle. Puis avec un sourire je lui dis : ben, ce matin je me suis levé pour venir à l'hôpital, mais depuis l'opération ce sera la première …

Elle m'explique comment me lever, me demande si j'ai des vertiges, etc.

Tout va bien, le plus dur c'est de se rhabiller. Evelyne m'a aidé à enfiler le pantalon et mettre les chaussettes.

Je récupère tout mon barda. L'infirmière me fournit deux sacs à glace et la housse et me donne un comprimé calmant pour la soirée.

Je ne gagnerai certainement pas le marathon des handicapés. J'imagine que d'ici quelques jours j'aurai une meilleure pratique, mais pour le moment je dois même réfléchir à comment marcher : béquilles ? jambe ?  jambe ? béquilles ?

La voiture est dans le parking. Vaut-il mieux que je m'asseye derrière ? devant ?
Finalement c'est plus facile devant. Cela fait un peu mal, mais c'est supportable, et puis, j'ai été légionnaire, je connais la devise : marche ou crève.

A peine sorti du bâtiment nous sommes confrontés aux bouchons du soir. il est 18 heures et de plus le G7 bloque pas mal de rues. Nous décidons de rentrer par Uccle.
Dans la voiture je commence déjà à réfléchir comment monter les escaliers, quel pied mettre d'abord, etc. Ce ne sera peut-être pas la bonne méthode mais au moins j'aurai réfléchi.

En arrivant à la maison je suis la cible de toutes les attentions possibles et imaginables de la part de mes enfants et d'Evelyne. Le petit chou chou. Moi qui d'habitude je rechigne à demander des services, que j'essaie de faire tout par moi-même, me voilà réduit à la gentillesse des autres.

Mon souper à la maison, mon souper de malade; depuis que je suis enfant lorsque je ne suis pas bien il n'y a que "una sopa prisa" comme disait ma mère qui me fait fondre.
Pourtant c'est tout simple : un blanc de poulet émincé, un œuf dur haché, des vermicelle ou similaire et une pastille de concentré de poulet (Avecrem, Knorr, Liebig), avec de l'eau chaude.

Après cela je me suis mis a répondre aux messages de sympathie que j'ai reçu de mes collègues et les personnes qui étaient au courant et poster un petit message sur FB.
Pour résumer ma journée; l'expérience a été positive et je voudrais mettre en évidence la sympathie du corps médical à qui j'ai eu à faire; tant les docteurs, que les infirmières, stagiaires, etc. tous très professionnels et très gentils et serviables pendant le service.




[1] Attablé au lit